Francis Poézévara

Conseiller municipal à Puteaux

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21 avril : la revanche du Front National

Mais qu’y a-t-il donc avec cette date ? Le 21 avril, le printemps est là, le beau temps aussi, les coeurs devraient être à la fête, ouverts à une atmosphère qui se réchauffe, les esprits devraient être positifs, heureux de pouvoir profiter à nouveau des promenades en T-shirt et des soirées en terrasse.

Le 21 avril, historiquement, était une date propice aux célébrations ! De la fondation de Rome il y a 2800 ans, au droit de vote des femmes en 1944, ce jour rimait avec avancées sociales et intellectuelles. Et pourtant, depuis le début du XXIème siècle, le 21 avril a pris une autre connotation.

En quelques années, cette date est devenue le symbole des convictions politiques les plus nauséabondes. Elle est devenue le jour où de (beaucoup) trop nombreuses personnes se laissent aller aux pires bassesses intellectuelles, se laissent prendre au chant des sirènes les plus puantes.

Le 21 avril 2002 en a constitué l’acte fondateur. La dispersion des voix de gauche, ainsi que la montée du mouvement contestataire, a permis pour la première (et unique ?) fois au Front National d’accéder au second tour de l’élection présidentielle.

Le séisme politique fut bien entendu immense, mais les jours suivants ont démontré une prise de conscience nationale qui donnait un peu d’oxygène à la démocratie française. Des centaines de milliers de personnes se sont ainsi retrouvées dans la rue, pour manifester leur attachement aux valeurs de la républiques, liberté évidemment, égalité bien sûr, mais surtout fraternité, valeur foulée au pied par le parti ultra-nationaliste.

Et nous voici aujourd’hui, en 2013, au lendemain de l’une des manifestations les plus répugnantes de l’histoire de la Vème République. Hier, l’UMP, le parti chrétien-démocrate, et même l’UDI (!) ont défilé main dans la main avec le Front National.

UMP, UDI et FN - Photo Thomas Samson/AFP

UMP, UDI et FN – Photo Thomas Samson/AFP

En 2012, les Putéoliens et Neuilléens avaient crû élire un député de centre droit. La photo ci-dessus illustre la supercherie : Jean-Christophe Fromantin y défile aux côtés de Gilbert Collard, député FN. Quelle honte !

L’histoire nous l’a appris, les crises économiques favorisent toujours les extrêmes. Mais c’est justement parce que nous le savons que nous sommes responsables de ne pas laisser l’histoire se répéter ! Que l’on soit de droite ou de gauche, nous n’avons pas le droit de cautionner cet “acte fondateur” de l’union de l’extrême droite anti-républicaine et xénophobe et de la droite modérée.

Heureusement, quelques voix à droite s’élèvent contre ce mariage, lui, contre-nature. Yves Jégo, député UDI, le regrettait sur Twitter :

Yves Jégo - Tweeter

Mais pour une prise de conscience, combien d’aveugles dans la rue ? Et tout le monde sait qu’au pays des aveugles, le borgne est le roi. Ou sa fille.

La ligne rouge a été allègrement franchie hier, par de nombreux élus de droite. Espérons qu’il ne s’agissait que d’un moment d’égarement. La défense d’idées n’excuse pas tout. Et précisément, faire le jeu de l’extrême droite est inexcusable.

Le 21 avril 2002 est un jour honteux pour la gauche française. Le 21 avril 2013 est jour de honte pour l’ensemble de la droite républicaine.

21 avril : Souvenirs

21 avril 2002

Les résultats du 21 avril 2002

Impossible de ne pas évoquer cela aujourd’hui : il y a 7 ans, un véritable séisme avait lieu sur la scène politique française. Pour la première fois de l’Histoire (et l’unique, espérons !), le candidat d’extrême droite accédait au second tour des élections présidentielles.

Cela se passe le 21 avril 2002. La Gauche est au pouvoir depuis 5 ans. Son bilan est bon, comme le reconnaissent de nombreux observateurs. Lionel Jospin est donné gagnant dans de nombreux sondages, face à un Jacques Chirac soupçonné dans de nombreuses “affaires” douteuses. Tous les français en sont persuadés : le second tour sera un face à face entre le président sortant et son premier ministre. Mais plusieurs phénomènes viennent se greffer à cela.

Tout d’abord, les différents alliés traditionnels du PS essaient de profiter du scrutin pour peser au sein de la future majorité de Gauche. Nombreux sont donc ceux qui préfèreront faire liste à part. Les raisons sont diverses, allant de la remise en cause d’une politique jugée “pas assez à Gauche” pour certains, à un simple “concours de celui qui a la plus longue” pour d’autres. Toujours est-il que la Gauche Plurielle de 97 n’est plus qu’un vague souvenir.

Ensuite, les différents sondages poussent Lionel Jospin à être trop optimiste. Sûr de sa victoire (du moins de son accession au second tour), il ne s’attache pas à faire une campagne sur ses propres thèmes, mais se contente de suivre les thèmes imposés par la Droite (notamment la sécurité). Par orgueil, il aurait également refusé la main tendue de Christiane Taubira, qui lui aurait proposé de se désister à son profit. “Je gagnerai tout seul”.

Enfin, l’électorat de Gauche fait également trop confiance aux sondages. Persuadés de la victoire de Jospin, de nombreux électeurs ont le raisonnement suivant : ils voteront pour un “petit” parti au premier tour, afin d’infléchir la politique de Jospin dans le sens qu’ils souhaitent, puis voteront pour lui au second tour.

Pour rappel, les trois derniers sondages, réalisés les 17 et 18 avril 2002 par les institutes CSA, Ipsos et LCI/SOFRES donnent les résultats suivants au premier tour :

CSA Ipsos LCI/Sofres
Jacques Chirac 19.5% 20% 19.5%
Lionel Jospin 18% 18% 17%
Jean-Marie Le Pen 14% 14% 13.5%

Les résultats sont tout autres : si J. Chirac est en effet en tête, avec 19.88%, il est suivi de J-M Le Pen, à 16.86%, puis L. Jospin à 16.18%. Le candidat d’extrême droite se retrouve donc au second tour.

Cette nouvelle a l’effet d’un séisme sur la vie politique française, et particulièrement sur la Gauche française. En effet, les différents partis de l’ex-Gauche Plurielle ont cumulé plus de 30% des suffrages, et nombreux sont ceux qui regretteront l’absence d’un nouvel accord entre eux.

Couverture de The Economist suite au 21 avril 2002

Couverture de The Economist suite au 21 avril 2002

De nombreuses manifestations auront lieu par la suite, rassemblant plusieurs centaines de milliers de manifestants à plusieurs reprises. L’événement suscitera aussi de nombreuses réactions internationales, et fera la Une de plusieurs journaux étrangers.

Quelles sont vraiment les conséquences du 21 avril 2002 ? Difficile à dire. Les dernières élections présidentielles ont montré que les sondages n’étaient pas remis en cause, bien au contraire. Ils sont devenus un élément majeur (sinon L’élément majeur) des campagnes. Alors quoi ? Peut-être la notion de “vote utile“, qui a permis aux deux premiers candidats d’obtenir plus de 25% des voix en 2007. Mais surtout, la conséquence la plus probable du 21/04/02 est l’affaiblissement du PS qui s’en est suivi, affaiblissement qui a duré jusqu’au congrès de Reims de l’automne dernier. Il aura fallu attendre presque 7 ans pour que le Parti Socialiste soit à nouveau en ordre de bataille, prêt à gouverner le pays, avec des propositions concrètes et précises, et un programme homogène.

Pour finir, voici deux autres anniversaires que nous fêtons aujourd’hui :

1944 : Il y a (seulement !) 65 ans, le droit de vote était accordé aux femmes.

1997 : Il a 12 ans, Jacques Chirac prenait la meilleure décision de ses deux mandats, et annonçait la dissolution de l’Assemblée Nationale, qui conduira à la nomination de Lionel Jospin au poste de Premier Ministre.

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