Francis Poézévara

Conseiller municipal à Puteaux

Un dimanche de vote à Puteaux

La Mairie de Puteaux

La Mairie de Puteaux

Mandataire de la liste PS pour les élections européennes à Puteaux, j’étais donc délégué de cette liste dimanche dans trois bureaux de vote. Pour ceux qui connaissent un peu la ville, il s’agissait des bureaux 2 et 3 à la Mairie, et 25 au Palais des Arts.

On lit un peu partout que l’exercice de la démocratie à Puteaux est difficile. Intimidation, disparition des bulletins, influence des électeurs, méconnaissance des principes démocratiques, j’ai testé pour vous.

08h00. Je me rends tout d’abord au bureau n°3, qui est également le bureau dans lequel je vote. J’effectue mon devoir civique, puis me présente à la présidente du bureau. Les sourires s’éteignent lorsqu’ils apprennent que je suis délégué non-UMP. Toutefois, les échanges restent courtois. Tout est en ordre dans le bureau.

09h00. Je me rends au bureau n°2. Je salue le président du bureau de vote, l’ex 1er adjoint au Maire Gaston Garino. L’accueil est beaucoup plus froid que précédemment. La chef de centre me lance un regard méprisant, et me dit, glaciale : « je vous préviens, si vous n’êtes pas là pile à l’heure de la clôture, je ne vous note pas sur le PV ». Le ton est donné.

J’inspecte rapidement la table des bulletins, pour vérifier qu’il n’en manque pas. « Ne restez pas devant la table pour qu’on ne vous confonde pas avec les électeurs », me lance la chef de centre. Elle ne connaît donc pas le code électoral, qui indique qu’un délégué peut aller à sa guise dans les bureaux de vote, excepté derrière les tables. C’est précisément ce qui nous permet de vraiment contrôler la régularité des opérations.

Pourquoi une telle agressivité de sa part ? Ceci dit, venant d’une chef de centre qui ne connaît pas le code électoral, on comprend qu’elle puisse être déstabilisée à l’idée d’être surveillée.

10h00. Je retourne au bureau n°3. Une file d’électeurs se tient maintenant devant la table des bulletins. Lorsque je l’examine, surprise ! Les bulletins PS ont disparu. Lorsque je le fais remarquer aux membres du bureau, ils essaient d’esquiver : « On ne doit plus en avoir ». Le PS manquerait de bulletins 2h après le début du scrutin, alors qu’à peine 100 personnes sont venues voter ? « Ah tiens non il en reste ». Comme par hasard.

10h15. Je rends visite au bureau de vote n°25, pour lequel nous avons nommé une assesseur. J’y retrouve un délégué MoDem. L’accueil est bien meilleur qu’à la Mairie. Comme dans les deux autres bureaux, rien n’indique que certaines listes n’ont pas déposé de bulletins, ce qui n’est encore une fois pas conforme. Les membres du bureau y remédient sans causer de problème.

L’organisation du bureau de vote est étrange. L’assesseur en charge du cahier est malentendante, et notre assesseur est obligée de crier les numéros plusieurs fois pour qu’elle l’entende. Ayant droit au passage aux remarques désobligeantes de la première. De plus, évidemment, les deux clés de l’urne sont gardées par les deux conseillers municipaux UMP. Sait-on jamais.

11h00. Je retourne à la Mairie. Aucun incident particulier n’est à signaler.

15h00. Une électrice du bureau n°6 nous signale qu’il n’y a pas de bulletin PS disponibles dans son bureau. Je m’y rends donc en courant. Comme par hasard, un tas de bulletins PS deux fois plus haut que les autres est présent sur la table. Les membres du bureau tentent de me faire croire qu’il y en a toujours eu. On imagine pourtant mal que l’électrice ait pu les rater, étant donné qu’ils dépassent largement tous les autres tas de bulletins. Combien d’électeurs ont-ils ainsi empêché de voter PS ?

15h30. Me voici de retour dans le bureau n°2, sur lequel j’ai décidé de me concentrer, étant donné l’accueil que j’y ai reçu le matin même. J’y assiste à un défilé des conseillers municipaux de la majorité, qui viennent discuter derrière les tables, se donnent de franches accolades, alors qu’ils n’ont absolument pas le droit d’entrer dans le bureau. Difficile de ne pas voir la présence de ces élus UMP pour les électeurs qui se présentent. Mais ils agissent comme s’ils étaient en terrain conquis. Que des élus méprisent ainsi le code électoral, c’est tout simplement inacceptable !

Marianne a eu les oreilles qui ont sifflé à Puteaux dimanche !

Marianne a eu les oreilles qui ont sifflé à Puteaux dimanche !

17h00. Deux militants UMP entrent dans le bureau, et saluent M. Garino. Ils commencent à discuter à voix haute, sans aucun respect pour les électeurs présents. L’un lance, très fort pour que tout le monde l’entende, « mais vous savez, moi j’ai voté ce matin, et bien sûr j’ai voté pour Joëlle Ceccaldi-Raynaud ». Je leur demande alors aimablement de continuer leur discussion dehors. « T’es qui toi, je te connais pas ! Alors rien à foutre, je continue à discuter ici, et si ça te plaît pas tu pourras le mettre dans le procès verbal ! ». Ce que je demande évidemment à faire. « Le procès verbal, c’est à la clôture, pas avant ! », me répond-on. Erreur : les délégués peuvent signaler à tout moment tout incident. Sinon, quel est l’intérêt de surveiller plusieurs bureaux, sachant qu’on ne peut assister qu’à une clôture ? L’UMP local a décidément bien du mal avec la démocratie.

Les deux individus continuent à discuter avec le président du bureau de vote, qui ne fait rien pour les faire sortir, ce qui était son devoir. Ces complicités malsaines sont écœurantes.

Suite à leur sortie, les membres du bureau de vote viennent me voir tour à tour pour essayer de me convaincre de ne pas écrire dans le procès verbal.

« Vous savez, il ne parlait pas de ce matin, JCR n’est pas candidate, elle est même très éloignée du scrutin », me dit l’un.

« Ca sert à rien d’écrire dans le procès verbal. Le préfet ne le lira pas de toute façon. », me dit M. Garino, ex 1er adjoint à la mairie et président du bureau de vote. Quelle vision de la démocratie !

Je demande à nouveau à écrire dans le procès verbal, ce qui m’est refusé. « A la clôture ! ».

17h30. Le bureau reçoit un coup de téléphone, vraisemblablement de la Mairie. « Est-ce que Grébert est passé ? ». La Mairie est en train de faire le tour des bureaux, afin de savoir si l’un des conseillers municipaux de l’opposition est entré dans les bureaux de vote. Il n’en a en effet pas le droit. Je suis curieux de voir ce qu’ils vont en sortir, sachant que TOUS les conseillers municipaux de la majorité, et même les simples militants, sont passés dans les bureaux pour « se montrer ».


18h00. Je fais un dernier tour dans le bureau n°25. Une personne discute avec le président du bureau : « vous savez ici c’est un fief… Venez à l’extérieur, je vais vous raconter ! ». Le président, se sachant observé par notre assesseur, élude : « je n’ai pas le droit de sortir… ». Cela aurait été intéressant de savoir ce qu’il y avait de si important à raconter sur les électeurs UMP du bureau de vote… Encore un dossier que nous ne connaîtrons pas avant d’entrer à la Mairie.

Anecdote : alors qu’il s’agit d’un « fief » UMP, les membres du bureau se permettent des commentaires désobligeants après chaque passage d’un électeur. « Encore un cas social ! », disent-ils souvent. Affligeant.

19h00. Je reviens au Bureau n°2 pour assister à la fin du scrutin. A 19h45, la chef de centre fait entrer ses assesseurs, qu’elle « garde sous le coude », me dit-elle, pour être sure qu’ils soient d’accord avec elle.

20h00. Le dépouillement commence. Les assesseurs sont évidemment tous clairement UMP. « T’as qu’à mettre tout UMP », plaisante l’un avant de voir que je contrôlais le dépouillement. Les opérations sont relativement difficiles, mais se terminent au final en moins d’une heure.

Vient le moment de remplir le procès verbal. Les membres du bureau prennent leur temps au maximum, espérant que je change encore d’avis. Quand ils me laissent enfin y accéder, le personnel de la mairie est déjà en train de ranger les tables. Je prends néanmoins mon temps pour remplir mes observations.

Intrigués, le président et la chef de centre restent derrière moi pendant que j’écris, grommelant. Ils n’ont visiblement pas l’habitude d’être contredits. La chef de centre me presse « bon ça va peut-être aller là, il est tard ». Je lui rétorque que, s’ils avaient suivi les procédures normales, je l’aurais fait pendant la journée et on aurait gagné du temps. « Oui mais c’est moi qui décide, et si vous n’êtes pas content c’est la même chose ! », s’énerve M. Garino.

Lorsque je termine le remplissage du bureau de vote, il vient me voir, visiblement énervé, et me répète ce qu’il m’a dit l’après-midi : « Voilà vous êtes contents ? Vous avez perdu votre temps là ! Le préfet n’en a rien à faire de ce que vous mettez. Vous venez de perdre votre temps. Vous savez que ça n’a servi à rien ? ». Il semble hors de lui, et devient très agressif.

Le préfet ne lira peut-être pas mes commentaires. Mais le simple fait d’avoir bousculé les petites habitudes nauséeuses de ces personnes me fait penser que je n’ai pas perdu mon temps. La démocratie est une leçon que Puteaux doit encore travailler.

Edité le 12/06 : Afin que cet article ne soit pas mal interprété, je tiens à préciser que mes reproches et suspicions ne concernent pas le service élection de la Mairie. Ce service a en effet très bien fait son travail, et je l’en remercie, en facilitant mon action de mandataire (à travers la désignation des assesseurs/délégués), ou la distribution des bulletins aux bureaux. Mes reproches vont directement aux membres des bureaux désignés, qui sont eux responsables de recharger les bulletins sur les tables notamment.

Précédent

“Putain, deux ans” : Vidéo “Sarkozy, c’est l’échec”

Suivant

Les deux eurodéputés français fantômes

22 Commentaires

  1. Omar

    La prochaine fois, ramène le règlement imprimé pour qu’ils ne puissent pas t’empêcher d’agir !

    Très intéressant ton récit en tout cas ! Et On arrive à les omépriser sans les connaître… donc très convaincant 🙂

  2. Lucie Gattepaille

    Tout ceci est franchement affligeant. As-tu essayé de faire publier cela dans un canard local (ou pas local d’ailleurs). Ca mériterait d’être porté à l’intention du public…

  3. Je suis en train d’essayer en effet. Ce qui est affligeant, c’est que ça ne choque plus personne ici, à part les nouveaux arrivants…

  4. J.C.

    Ce récit est édifiant, mais ne me surprend guère.
    J’ai posté un commentaire sur le site MonPuteaux.com qui fera sans doute un lien vers votre récit comme Nadine Jeanne l’a fait sur son blog pour que le plus grand nombre puisse le lire.

    Juste une petite remarque en forme de boutade, il faut absolument que vous appreniez la liste des adjoints au maire (et dans le bon ordre), sinon, ils vont vous regarder de travers (remarquez que je ne suis pas certain que tous les miliants UMP la connaisse).

    Bon courage pour sortir le PS de l’ornière dans laquelle il s’est fourvoyé.
    Il faut absolument que les militants qui regorgent d’idées prennent le leadership sur ces hiérarques empêtrés dans une querelle de chefs qui n’en finit pas, qui ont fait leur temps et qui ne pensent qu’à leur petite personne.

    Au plaisir de vous lire à nouveau, maintenant que vous êtes dans mes favoris (URL of course).

  5. ce compte-rendu de journée est édifiant… la démocratie à Puteaux est-elle réservée aux seuls initiés ?
    Le devoir des élus ne serait-il pas d’abord de montrer l’exemple et de connaître les règles de base en matière de droit public et code électoral ?

  6. Matthieu

    Bravo pour votre courage et votre détermination !

  7. @J.C. : Merci pour la remarque, j’ai corrigé !

  8. Thomas

    Je dirais plutot que la prochaine fois il faudrait venir avec un huissier pour constater toutes les infractions de maniere encore plus formelle, et porter plainte (tribunal administratif ?).

  9. Pour être franc, il s’agissait de mes premières élections à Puteaux, et j’ai un peu été pris de court par tout cela. Maintenant que j’ai vu comment cela se passait, c’est certain que j’agirai beaucoup plus fort la prochaine fois !

  10. Mon cher Francis,

    Comme tu le soulignes, ton récit ne surprend plus vraiment les gens alors que les faits relatés sont contraires à la logique démocratique et à la loi.

    Pour avoir été assesseur dans le bureau N°2 lors des dernières municipales, je suis contraint de reconnaitre de nombreuses similitudes avec la situation que j’ai vécue. Climat très tendu le matin et beaucoup plus sympathique le soir. Après ouverture de l’urne, j’ai eu le droit aux deux clés de celle-ci et à la surveillance des enveloppes…. Et puis, voir Gaston Garino s’essayer à la Tektonik le soir du premier tour valait bien le détour :o) Son genou a lâché juste après la proclamation des résultats du premier tour !

    Oui, les élections à Puteaux se font en « famille ». Oui, tout le monde se connait. Oui, les « nouveaux » ou les personnes extérieures subissent des remarques désobligeantes de la part des tenanciers de la boutique.

    A noter aussi le système des « assesseurs entrants » le matin avant l’ouverture des bureaux de vote. Généralement ces personnes sont là pour occuper la place et limiter celle des assesseurs de liste. Savoir jouer des coudes est essentiel. Il faut savoir imposer un roulement dans les tâches sur l’ensemble de la journée.

    Le plus risible reste sans doute les commentaires douteux ou graveleux qui sont utilisés pour déstabiliser les ennemis. Les menaces verbales font partie du jeu. Généralement un simple rappel à loi et la menace de contacter les services préfectoraux suffisent à calmer les égarements de certains.

    Il faut noter que la plupart du temps ces personnes sont des braillards. Pas méchants pour deux sous, mais surtout totalement incultes des règles électorales et des lois en général. Une voix ferme et forte reste gênante et il n’est pas inutile de parler fort tout en appelant au Président du bureau de remplir son devoir d’autorité. Le faire devant les électeurs est très plaisant….. Les femmes sont souvent plus sermonnées que les hommes, preuve du grand courage de ces culottés.

    Ton témoignage est important et démontre que malgré ta nouveauté dans les bureaux, tu ne t’ais pas laissé dictée la loi que certains ont souhaité t’imposer. Tu verras que la prochaine fois : les choses seront sans doute plus simples.

  11. Le mitterandisme était l’inverse de la démocratie, l’UMP n’a rien inventé.

  12. Je vois que je ne suis pas du tout la seule à avoir été confrontée à des “irrégularités” massives sur cette élection. La démocratie sent bizarrement sous les aisselles, en ce moment…

  13. Bonjour,
    je suis affligé par ce récit. Si on ajoute à cela des bulletins de certaines listes mal répartis dans l’ile de france par les préfectures et les mairies on se pose de question sur la qualité de notre démocratie.
    Merci d’avori pris le temps de faire ce compte-rendu sur ce blog.

  14. Pourquoi ne pas avoir prévenu la justice ? Le conseil constitutionnel (je crois) peut intervenir dans ce genre de cas. J’ai eu la visite lors des dernières législative d’un de ses membres dans le bureau dont j’étais président.

    Le fait que tous les assesseurs soient UMP est rigoureusement interdit : on l’a répété un nombre de fois incalculable, notamment pour dire qu’il était impossible qu’un titulaire et son remplaçant soient en même temps à la table… j’imagine qu’ils ne sont pas tous cotisants, sinon un simple passage à la commission de contrôle avec ce fait invalide le vote, si les autres éléments ne suffisent pas.

  15. Le truc, c’est que ce n’est pas arrivé qu’à Puteaux. Chez moi, chez SuperNo, chez 2 ou 3 lecteurs aussi… bref, ça a l’air assez répendu, la sublimation de bulletins un jour de vote et tout le monde a l’air de s’en battre les steaks.
    Bon, le CC vient de retoquer hadopi. Lui reste plus qu’à annuler les élections pour irrégularités massives!

  16. Merci pour ce récit si révélateur de la situation politique dans notre commune.

    Il oblige toutes les personnes qui croient aux valeurs de la démocratie à s’unir pour créer les conditions de l’alternance.

    Je suis notamment choqué qu’on ait cherché à m’empêcher de faire la tournée des bureaux de vote !

    Christophe Grébert
    Conseiller municipal Modem de Puteaux

  17. Nemosus

    Bravo pour votre civisme et votre courage !
    La prochaine fois (mars 2010 pour les régionales) munissez vous de votre code électoral (ISBN10 : 2-7013-1647-2.) Après avoir potassé les points litigieux que vous avez remarqué cette fois et orné votre code d’index multicolores vous serez prêt à mettre au pas tous ces bravaches !
    Entretemps un petit courrier au Conseil d’État décrivant la liste des irrégularités ne serait pas inutile : il pourra prévoir la prochaine fois d’envoyer plus de juges pour s’assurer de la régularité des opérations et mettre un peu d’ordre dans ce foutoir!

  18. christel

    Francis,pourquoi n’as tu pas appeler le Magistrat de permanence pour qu’il vienne constater se qui se passait, et au besoin faire annuler les votes des trois bureaux concernés.Là tu es en erreur ,car il ne fallait pas laisser passer une telle chose,remarque cela n’aurait pas changer les résultats.Visiblement tu ne savais se que tu pouvais dans de tel circonstances.J’ai déjà tenu des bureaux de votes,pour les législatives,les présidentielles et dernièrement pour lesMunicipales et croit moi ,je savais quoi faire si je rencontrait un problème.Il y a une loi à respecter, je te le dis car je suis UMP,mais je déteste se que fait le Maire et ces adjoints.
    A bientot!
    Christel

  19. Bonjour.
    J’habite à Montréal, au Québec, et depuis une dizaine d’années, je me fais un point d’honneur de travailler à à-peu-près toutes les élections (et il y en a: fédérales, provinciales, municipales et scolaires).
    Je trouve intéressant cette description du scrutin, et je m’étonne que des mesures ne soient pas prises pour éviter de tels abus.
    J’ai occupé à peu-près tous les postes dans divers scrutins:

    Représentant — je crois que c’est l’équivalent de vos «assesseurs», qui surveille le déroulement du scrutin pour les candidats (c’est le seul poste bénévole). Un maximum de deux représentants simultanés par candidat est admis dans chaque bureau.
    Greffier — qui s’occupe des écritures du bureau de vote et vérifie l’inscription des électeurs (fait aussi le travail du scrutateur si celui-ci est analphabète — ne riez pas, ça m’est déjà arrivé!!!)
    Préposé aux inscriptions — inscrit les électeurs lors du jour du scrutin  (élections fédérales et hors-Québec seulement)
    Préposé à la liste électorale — vérifie les inscriptions si il y a erreur (je ne suis pas trop au courant, je n’ai jamais tenu ce poste)
    Scrutateur — qui prépare les bulletins de vote et effectue le décompte des voix
    Aide-PRIMO (Préposé à l’Information et au Maintien de l’Ordre) — assiste le PRIMO dans ses fonctions
    PRIMO — chef du centre de scrutin (s’il y a plus de deux ou trois bureaux de vote)

    À l’exception des représentants, tous ces postes sont rénumérés (entre $250 et $350) par le Directeur Général des Élections.
    Lors du déroulement du scrutin, les seules personnes autorisées à se trouver aux bureaux de votes (en fait, chaque «bureau» est une table) sont les personnes ci-dessus, le directeur du scrutin pour la circonscription et ses assistants, les électeurs au moment où ils votent et les candidats dans la circonscription. Les chefs de partis, les médias, la gouverneur générale, Élizabeth Alexandra Mary Windsor de Saxe-Cobourg (c’est ce qui tient lieu de chef d’état ici), etc. ne sont pas admis. Pour être admis dans la salle, chaque employé doit être en possession de son formulaire de nomination, et les représentants d’un formulaire signé par le candidat (le PRIMO possède une liste des signatures des candidats pour vérifier).
    En tout temps, le PRIMO peut faire appel à la police en cas de dérangement qui ne peut être réglé immédiatement.
    Les téléphones portables ne peuvent être utilisés dans la salle, à l’exception de celui du PRIMO et des assistants du directeur du scrutin. Il est interdit de photographier ou de filmer dans le centre de scrutin (le PRIMO a le dernier mot si on veut fermer les yeux dans le cas d’un ministre; il demandra souvent de filmer depuis la porte).
    Pour chacun des postes rénumérés, une formation (rémunérée) de deux à trois heures est menée; une documentation simple et précise permet d’accompagner les employés au fur et à mesure du déroulement des opérations. En cas de problème non couvert, tout le monde peut consulter le PRIMO qui peut faire appel au directeur du scrutin.
    Les candidatures aux postes de greffier et de scrutateurs sont co-optées par les candidats; le candidat sortant co-opte les scrutateurs, et le candidat du parti arrivé second au précédent scrutin co-opte les greffiers (ce n’est pas une règle absolue; le directeur du scrutin a le dernier mot et peut assigner qui il veut; j’ai donc eu la surprise une fois d’avoir un scrutateur du même «côté» que moi…). En général, ces postes sont données en récompense pour du bénévolat effectué lors de la campagne. Les candidatures pour les autres postes sont addressées directement au directeur du scrutin.
    Dans tous les cas, on privilégiera les «indigènes» qui connaissent bien la circonscription et surtout les habitants; on tentera le plus possible d’assigner le personnel dans leurs sections de votes respectives car ils seront ainsi plus susceptibles de déceler les fraudes, car ils connaissent leurs voisins… (En fait, la plupart de mes voisins se sont mis à me parler après m’avoir vu travailler aux élections…: ) ).
    TOUTE ACTIVITÉ PARTISANE EST FORMELLEMENT PROHIBÉE à proximité du lieu de votation. Ça inclut les affiches sur les poteaux visibles depuis le lieu de vote, les épinglettes et même la couleur des vêtements. Toute personne enfreignant ces directives peut être expulsée.
    Un type qui viendrait intimider les électeurs se ferait donc virer rapidement…
    Déroulement:
    Le scrutin se déroule ainsi: une heure avant le début, le personnel arrive et arrange les chaises et tables ainsi que la paperasse. Les urnes sont scellées préférablement en présence des représentants qui ont le droit de signer les sceaux. Quand tout le monde est prêt, à l’heure d’ouverture (les heures dépendent du fuseau horaire pour les élections fédérales — le Canada en couvre 6), le public est admis à voter.
    Pour voter, il faut être inscrit sur la liste. Jadis, un recensement était effectué à chaque scrutin, mais depuis 15 ans environ, une liste permanente est tenue.
    Il n’y a pas de carte d’électeur. Les électeurs sont responsables de vérifier qu’ils sont inscrits; à cet effet, des aides-mémoires sont postés quelques semaines avant le scrutin.
    Si on n’est pas inscrit au moment du vote, il est possible de s’inscrire la journée même, sauf aux élections québécoises (celà afin d’éviter les fraudes – dans le reste du Canada, ils sont plus tolérants des fraudes… Attention, une élection fédérale se tient aussi au Québec, et il est possible de s’inscrire la journée même).
    L’électeur est donc dirigé vers son bureau de vote par le PRIMO (il peut y avoir jusqu’à 15 bureaux dans un centre de votation), et il se présente au scrutateur. Le greffier vérifie son inscription sur la liste et son identité. Jusqu’il y a 5 ans environ, il était absolument interdit au personnel électoral d’exiger une pièce d’identité!!! celà, encore, pour favoriser les fraudes. La loi a été changée d’abord au Québec pour rendre les pièces d’identité obligatoires suite à des fraudes flagrantes de la part d’un parti de droite, puis le Canada a ensuite suivi (pour les autres provinces, je ne suis pas sûr).
    Les pièces d’identité acceptées sont le permis de conduire, la carte d’assurance-maladie (un peu comme la Sécu), la carte de citoyenneté, le passeport, la carte de statut d’indien et la carte des forces armées.
    Il y a eu une controverse il y a quelques années au sujet des femmes voilées; en protestation du fait qu’il avait été annoncé que les femmes pouvaient voter sans se dévoiler, des petits rigolos ont menacé de se présenter avec des masques de Miquet le Mahousse… Ça a eu le mérite de faire bouger les choses, car la fois suivante, les règles ont été clarifiées et les femmes sommées de se dévoiler…
    (Ce coup là, je travaillais avec un tunisien qui pestait en disant que dans les pays islamiques où les femmes ont le droit de vote, elles doivent se dévoiler pour voter…)
    Le vote:
    Une fois que l’inscription de l’électeur a été véfifiée, le scrutateur lui remet un ou plusieurs bulletins de vote (aux élections municipales, on vote pour le maire, le conseiller, et s’il y a lieu, pour le maire d’arrondissement. Un référendum municipal peut aussi être tenu à ce moment; tout ce beau monde aura chacun son bulletin) dûment initialé par le scrutateur.
    Un représentant peut demander une identification plus poussée de l’électeur dans des limites raisonnables; en aucun cas un représentant ne peut s’addresser à l’électeur (j’ai déjà vu passer des anciens camarades de classe de 30 ans auparavant sans pouvoir rien dire — je n’avais pas été reconnu…).
    Bulletins de vote:
    Les bulletins de vote sont strictement comptabilisés. Ils viennent dans des carnets à souche et sont numérotés consécutivement; le scrutateur doit bien vérifier le compte avant d’ouvrir son bureau. Chaque bulletin comprend un talon détachable numéroté correspondant au numéro demeurant dans la souche du carnet.
    Les bulletins sont noirs; les noms des candidats sont en blanc ainsi qu’un cercle adjacent où l’on fait sa marque.
    Avant de remettre le bulletin à l’électeur, le scrutateur le détache du bulletin UN À LA FOIS, l’initiale au dos, le plie et le remet à l’électeur. L’électeur s’isole alors pour voter, et revient avec son bulletin rempli et replié. Le scrutateur (et tout le monde présent – greffier, représentant et/ou candidat) peut vérifier que les initiales du scrutateur y figurent, et que le numéro du talon correspond bien à celui demeuré sur la souche (comme ça on sait que c’est le même bulletin qui a été remis et non pas un «télégramme»). Le talon est alors détaché (par l’électeur ou le scrutateur) puis inséré dans l’urne. Le talon est ensuite conservé dans une enveloppe spéciale. En cas d’erreur, on peut demander un autre bulletin après avoir placé le premier dans une enveloppe prévue à cet effet; le bulletin est alors annulé.
    À ce moment, le greffier raye le nom de l’électeur de la liste en clamant «À VOTÉ!». C’est tout en ce qui concerne l’électeur.
    Les seules personnes qui peuvent toucher à un bulletin de vote le jours du scrutin sont le scrutateur et l’électeur qu moment où il vote. Personne d’autre n’a pas le droit d’y toucher, et il est interdit de se trouver en possession d’un bulletin à l’extérieur du lieu de vote.
    Dépouillement:
    Après l’heure de fermeture, les électeurs présent peuvent voter, et le dépouillement commence dès que le dernier électeur a quitté. Seuls le personnel et les représentant et les candidats sont autorisés à assister au dépouillement.
    Avant d’ouvrir l’urne, on fait le compte des talons des bulletins utilisés. On vérifie que le compte y est (autant d’électeurs + de bulletins annulés que de talons). Quand tout concorde (c’est loin d’être évident, il suffit d’un scrutateur un peu souillon pour que ça prenne une éternité), on ouvre l’urne. Le scrutateur fait alors des piles de bulletins selon le candidat choisi, et le greffier fait le compte. Les représentants peuvent aussi faire le compte. Un représentant peut contester un bulletin de vote; son objection est notée, mais c’est le scrutateur qui a le dernier mot.
    Bien que la loi fédérale dise qu’il faille vider l’urne sur la table, on se fait bien expliquer que nous devons violer la loi en prenant les bulletins un à un… 🙂 🙂 🙂 🙂
    Une fois le compte fait, on recomptabilise tout, et quand ça concorde, on mets les bulletins dans des enveloppes séparées (une pour chaque candidat) et on finit les écritures, dont la feuille des résultats qu’on remet aux représentants et au PRIMO qui la communique sur le champ au directeur du scrutin.
    L’urne est rescellée, et tout le monde rentre à la maison avec la satisfaction du devoir accompli, sauf le PRIMO qui emmene les urnes au bureau du directeur du scrutin. C’est là qu’il peut rentrer chez-lui, avec plus de 15 heures de boulot dans le corps…:)
    * * *
    Anecdotes:
    Dans une élection fédérale, le centre où je travaillais était dans le gymnase de la caserne des Hussards Royaux . Ici, l’armée est reconnue pour lever le coude (surtout que les soldats ont accès à de l’alcool détaxé dans les casernes) et on n’avait que des tables rondes pour s’installer (elles ne servent d’ordinaire qu’aux banquets), ce qui était très incommode (allez donner un bulletin de vote à un électeur à 2m de vous!!!). Aussi, on a du demander à plusieurs reprises de faire refermer la porte du garage qui donnait sur le gymnase, car ce n’est pas très jojo de voter en voyant les canons et les chars d’assaut dans la pièce d’à côté… On nous avait aussi assigné un soldat pour s’occuper de nous (faire le café, chercher la bouffe à la cantine, déplacer les tables); bien que sa présence était illégalle, ç’aurait été inconvenant de l’empêcher d’être là… Alors on a fermé les yeux sur sa présence…
    J’ai eu l’immense bonheur de travailler avec une scrutatrice fonctionnellement analphabète. J’ai donc du me taper deux fois plus de paperasse, et le pire, c’est qu’elle était payée (un peu) plus cher que moi… On m’a ensuite raconté qu’elle avait déjà fait de la taule pour escroquerie…
    Une fois, une anglaise très digne est venue voter. Quand elle s’est identifiée, j’ai vu qu’elle était née 101 ans plus tôt; elle se déplaçait sans canne: elle avait l’air d’avoir 40 ans de moins!!! Ça m’a ému pour le reste de la soirée… Elle avait vécu sous le règne de la reine Victoria!!!
    Quand j’ai été PRIMO, j’ai eu maille à partir avec un scrutateur qui ne parlait pas un traître mot de français… J’ai donc du débiter les directives en français et en anglais, ce qui m’a fait perdre un temps fou. C’était dans le gymnase d’une école, et pour une raison idiote, les électeurs devaient faire la queue à l’extérieur. Quand il s’est mis à pleuvoir dru, il a fallu changer la configuration des bureaux de scrutin pour ménager un espace dans un coin pour permettre aux électeurs d’attendre à l’abri…
    J’ai du une fois faire expulser un représentant à une table voisine parce qu’il n’appréciait pas que je parle avec un large sourire à sa petite amie qui était représentante dans mon bureau, et m’avait menacé de damnation éternelle (non, ce n’était pas un musulman, mais un évangéliste pentecôtiste — ou un truc du genre); il pensait que je lui chantait la pomme…
    J’ai déjà vu des scrutateurs ouvrir les urnes alors qu’il y avait des électeurs encore présents…
    J’ai aussi une fois travaillé dans des élections provinciales à Ottawa, en Ontario. J’ai été sidéré de constater que l’organisation était absolument laissée au hasard; nous n’avions pas la moitié de la paperasse requise! Nous étions installés dans la salle d’une paroisse adjacente à l’église. Pendant quatre heures, nous avons été gratifiés d’une répétition de la chorale dans l’église adjacente (heureusement que c‘était une chorale renommée). Quelle a été ma suprise de voir, quelques années plus tard que le vidéo de formation pour les élections fédérales y avait été tourné!!!
    La pire des élections que j’ai jamais vu était à la campagne. J’étais représentant pour un copain qui se présentait comme conseiller municipal. Tous les bureaux de scrutins étaient au même endroit, dans le sous-sol de la mairie. À l’époque, personne ne pouvait sortir tant que toutes les urnes avaient été dépouillées. Nous avons donc du attendre trois heures du matin parce qu’une des tables avait tout connement renversé l’urne, et ils avaient beau compter et recompter, ça ne concordait pas (non, pas question de les aider, seuls le personnel d’un bureau peut y travailler). Au moins, l’attente a été rendue moins pénible quand ils ont fait venir un traiteur avec un buffet chaud vers minuit… Mais comme je n´étais que représentant, je n’ai pas eu droit aux heures supplémentaires qui n’ont pas manqué d’être payées au personnel — j’ose espérer que la note salée fut à l‘origine de l’abolition de la règle voulant que personne ne puisse sortir avant que tout soit compté…

  20. domi

    Bon courage , ça devient vraiment de plus en plus difficile de faire respecter un minimum de démocratie dans ce département

  21. Romain

    Il faudrait surtout que tous les partis d’opposition se regroupent afin de nommer au moins un assesseur ou délégué de l’opposition par bureau de vote. Etre présent toute la journée dans un bureau permet incontestablement de vérifier au mieux les opérations électorales. Bien évidemment, l’aide d’un suppléant pour faire une pause est bienvenue : 8h – 20 h, c’est long. Aux municipales (contrairement aux Européennes), les représentants des listes d’opposition étaient fort heureusement très présents dans tous les bureaux.

    Quant à Gaston Garino, ancien grand sportif, il s’impose autant par son physique que par sa longue expérience politique. C’est sans doute le dernier représentant de “l’âge d’or” des 35 ans de règne de Charles Ceccaldi-Raynaud, même s’il a trahi ce dernier en rejoignant JCR dès 2004.

  22. En effet, et c’est d’ailleurs ce que nous avons fait pour cette élection : nous nous sommes entendus avec le Front de Gauche pour répartir les assesseurs/délégués de gauche dans les différents bureaux. A renouveler pour les prochaines échéances évidemment !

1 Ping

  1. Le Monolecte

Laisser un commentaire

Francis Poézévara 2015 - Tous droits réservés